03/09/2017

BLAKE ET MORTIMER | LE BÂTON DE PLUTARQUE (tome 23) (André Juillard / Yves Sente - 2014)

Blake & Mortimer - 64 pages 
15/20   Blake et Mortimer préparent le débarquement du 6 juin 1944 

    L'histoire débute lors d'une mission menée par Blake depuis le porte-avions The Intrepid au printemps 1944. Une menace d'attaque imminente est programmée par les allemands contre le Parlement de Westminster à Londres.
Le capitaine, à bord d'une version prototype du Golden Rocket, rejoint la capitale britannique et parvient à éviter le pire : son avion s'écrase dans la Tamise mais l'ennemi est neutralisé. Grâce à son parachute, Blake, sain et sauf, rejoint la terre ferme et fait aussitôt la connaissance du Major Benson qui a assisté à la bataille aérienne.
Ce dernier lui confie que les renseignements britanniques ont la certitude qu'une troisième guerre mondiale va succéder à celle actuellement en cours. L'empire jaune, dirigé par le terrible dictateur Basam-Damdu, construit en effet de redoutables armes militaires.
Recruté pour lutter contre cet épée de Damoclès, Blake rejoint la base secrète anglaise de Scaw-Fell où il retrouve le professeur Mortimer qui met au point l'Espadon afin de défendre les puissances occidentales contre la menace jaune imminente.

  Les deux hommes se concentrent alors sur la préparation du débarquement des alliés en Normandie en mettant au point l'opération Narval. Celle-ci consiste à larguer en Méditerranée une multitude de balises simulant une activité sous-marine intense.
Les allemands, convaincus que des submersibles en nombre préparent un débarquement de grande ampleur, vont alors concentrer leurs forces dans cette zone géographique laissant ainsi le champ libre dans la Manche pour le 6 juin 1944.

  Les auteurs ont imaginé une histoire prenant place juste avant le tome 1 de la toute première aventure de Blake et Mortimer, Le secret de l'Espadon, imaginée par l'immense Edgar Pierre Jacobs en 1946.
Le scénario de Yves Sente fait la part belle à l'importance du codage de l'information durant un conflit. Aujourd'hui encore, cette guerre de l'information tient une place primordiale parmi les armes décisives qui opposent les belligérants.
Ainsi, le lecteur découvre dans cet opus le Cabinet of War qui était un lieu très secret de Londres concernant les choix stratégiques de la guerre 39-45. Ces choix étaient bien souvent conséquents au décodage des informations ennemies par des experts rassemblés dans un centre de décryptage connu sous le nom de Station X.

  J'ai particulièrement apprécié l'univers de la base de Scaw-Fell où le professeur Mortimer développe ses projets d'avions révolutionnaires pour contrer la menace asiatique. Caché sous une couche de nuages artificiels et situé dans un décor accidenté du littoral anglais, Scaw-Fell renoue avec les univers souterrains dignes de l'âge d'or jacobsien.
Contrairement aux reprises précédentes, dont Le sanctuaire du Gondwana notamment, cet album ne comporte pas de ficelles scénaristiques ubuesques ou de retournements de situation grotesques. Il est mieux réfléchi et construit.
Le début laisse cependant légèrement interrogateur : la rencontre de Blake et du Major Benson aussitôt après l'épisode de la Tamise semble quelque peu artificielle dans la construction du synopsis.
Côté dessin, Juillard s'en sort tout à fait correctement. Les véhicules et bâtiments sont représentés avec détail et soin. Son principal défaut réside dans la difficulté à retranscrire le mouvement de ses personnages. Il suffit d'ouvrir un Largo Winch pour voir ce qu'est le mouvement en bande dessinée. Le belge Philippe Francq excelle à ce niveau-là ! Ici, Blake, Mortimer et les autres protagonistes sont malheureusement trop statiques.
Dans certaines cases, le lecteur attentif pourra aussi détecter une légère disproportion des corps : cou trop réduit ou tête trop grande par rapport au reste. Cela demeure marginal, mais pour autant est-ce acceptable ? Non !
Quelles que soient les reprises, j'ai souvent remarqué que le personnage le mieux figuré est le colonel Olrik. Son allure conserve toute cette élégance britannique chère à Jacobs. Son caractère diabolique et son physique théâtral y sont sûrement pour quelque chose.
Quant aux frères jumeaux, Harvey et Brandon Clarke, leur visage de poupon ne sont pas très jacobsiens. Ils ne rentrent pas véritablement dans le classicisme du maître mais appartiennent davantage à l'univers graphique de Juillard.

  En préface de l'album, une note de l'éditeur Dargaud a attiré mon attention. Ce dernier remercie le dessinateur de s'être « donné sans compter » pour la sortie de ce tome 23 dans les délais impartis.
Cela sous-entend encore et toujours la pression exercée sur les artistes pour satisfaire des intérêts commerciaux et respecter coûte que coûte des calendriers garants de la rentabilité financière d'une opération juteuse. N'oublions pas en effet qu'un nouveau titre de Blake et Mortimer est aujourd'hui tiré à 500 000 exemplaires pour sa sortie. Entre le temps nécessaire pour dessiner à la perfection et celui artificiellement imposé par la publication pour Noël, l'éditeur choisit pour le lecteur quitte à sacrifier un peu la qualité ! Il pousse même la cadence jusqu'à mettre plusieurs duos d'auteurs sur des projets parallèles.
Dommage que cette série mythique soit devenue une entreprise industrielle éloignée de la création artistique et artisanale de Jacobs...

[Critique publiée le 03/09/17] 

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