8/20 Histoire tordue et dessin parfois affligeant

Le professeur Mortimer veut utiliser le télécéphaloscope et les travaux du savant fou pour se mettre au service des patients atteints d'affections psychiatriques. Parallèlement, quatre autres nostalgiques de Septimus ont également décidé de reprendre ses travaux à des fins malveillantes. Ils projettent d'utiliser à nouveau Olrik comme cobaye de la fameuse machine exploitant les ondes cérébrales.
Le capitaine Blake, quant à lui, enquête sur l'origine des foudroiements qui touchent des individus isolés dans les quartiers désaffectés depuis la dernière guerre.
Rapidement, l'intrigue mêlant ces différentes affaires se met en place.
À cela vient s'ajouter la découverte, échoué dans les sous-sols de Londres, d'un engin extraterrestre qui n'est pas sans rapport avec les événements mystérieux auxquels font face les deux héros britanniques...
Ce nouvel opus m'a fortement attristé tant au niveau du fond que de la forme.
Le scénario manque de limpidité et son rythme est inégal. Jean Dufaux, scénariste de talent sur les séries Murena ou Djinn, a voulu intégrer bien trop d'éléments appartenant à l'univers mythique de Blake et Mortimer. En guise d'hommage, cela est tout à fait louable. Malheureusement, à vouloir trop en faire, il s'est éloigné de cette clarté chère au créateur originel. Proposer une suite à La Marque Jaune est déjà un défi osé et dangereux ; y ajouter une capsule spatiale rappelant le magnifique album L'énigme de l'Atlantide conduit à une surenchère qui décrédibilise l'ensemble.
Dans La Marque Jaune, de longs textes accompagnaient le lecteur autour du fonctionnement complexe du télécéphaloscope et des découvertes de Septimus. Ici, les expériences menées et les interférences entre elles sont très obscures ; sans vernis scientifique proposé, sans tentative d'explication rationnelle des événements, le lecteur est obligé d'accepter le déroulement de l'histoire. Il ne participe plus à l'aventure, n'est plus acteur aux côtés des deux personnages principaux. Ce sentiment est encore plus marqué dans la seconde partie où le rythme s'accélère tandis que l'intrigue devient de plus en plus ardue à saisir.
Sur le plan graphique, je suis abasourdi.
Dargaud, maison garante d'une grande qualité éditoriale dans l'univers du 9ème art, s'éloigne de plus en plus d'un travail artistique et artisanal pour sombrer dans les impératifs d'une production industrielle. Leur politique actuelle est aujourd'hui de « produire » une nouvel album de Blake et Mortimer juste avant Noël afin de rentabiliser une opération financière fructueuse. Pour respecter ce délai, les artistes doivent pondre des pages sous une pression folle.
Malheureusement, le manque de temps nuit fortement à la qualité finale. Le lecteur fidèle aux deux héros, souvent intransigeant sur la qualité du dessin car biberonné aux éternels chefs-d'œuvre du maître Edgar P. Jacobs, doit alors faire face à un terrible dilemme : d'un côté la satisfaction de voir perdurer l'œuvre du maître belge et de tenir entre les mains une nouvelle aventure promettant mille péripéties merveilleuses, de l'autre la déception de découvrir des cases inégales, tantôt parfaites, tantôt bâclées.
Les auteurs eux-mêmes, dans les interviews que l'on peut lire sur les réseaux, ne cachent pas les délais serrés qui leur sont imposés et admettent que la qualité de leur travail puisse être remise en cause. Cela ne convient pas à des dessinateurs pointilleux et perfectionnistes comme Antoine Aubin ou Ted Benoît auparavant. Ici, par exemple, Étienne Schréder a dû venir à la rescousse sur certaines planches...
En tant que lecteur de Blake et Mortimer depuis mon enfance, je suis vraiment déçu par certains albums de reprise. Hormis L'affaire Francis Blake, La machination Voronov ou L'étrange rendez-vous, ceux-ci ne méritent pas de trôner aux côtés de ceux de Jacobs dans une bibliothèque et doivent être malheureusement vus comme des « spin-off » dispensables.
Pour étayer mes propos, voici quelques indications précises que chacun pourra vérifier en consultant L'onde Septimus :
Mortimer est parfois dessiné avec perfection. C'est le cas ci-après :
- Page 17 (case 4) ou dans l'ensemble de la page 24 par exemple.
En revanche, voici quelques illustrations indignes :
- Page 16 (dernière case) : Blake est mal représenté, sa tête mal proportionnée avec son corps.
- Page 19 (case 2) : les deux hommes marchant dans la rue ont des visages bien imprécis.
- Pages 46 et 47 : Mortimer est mal dessiné.
- Page 49 : tous les personnages (Blake, Mortimer, Lady Rowana, ...) sont dessinés grossièrement.
- Pages 54 (case 1) et 55 (dernière case) : le dessin est affligeant !
- Pages 56, 57 et 58 : les traits ne sont pas crédibles. Le style Jacobs n'est plus du tout respecté. Cela est inconcevable !
Seule la couverture, bien souvent décevante dans les albums de reprise, est réussie et alléchante.
C'est bien la première fois que je suis dans l'obligation de lister de manière aussi rébarbative de tels détails. Mais force est de constater que la qualité est absente de cette publication tant au niveau du scénario, alambiqué, que du dessin, disons-le, parfois raté ! Carton rouge pour Dargaud.
[Critique publiée le 03/09/17]
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